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Photoreportage : L'assouplissement des restrictions sanitaires après une période désastreuse pour les travailleurs informels au Rwanda

Depuis qu’il a été confirmé que la pandémie de COVID-19 s’est propagée en Afrique, nous avons lu comment les médias internationaux ont souvent prédit le pire pour le continent africain. Le continent allait « compter ses morts par centaines de milliers ». Mais, comme toujours, la réalité sur le terrain est plus complexe et nuancée. Bien qu’il puisse n’y avoir qu’une seule pandémie, il existe des dizaines de réponses et de situations nationales différentes.

Face à la pandémie du Covid-19, le Rwanda a mis en place une stratégie d’atténuation, en adoptant notamment des mesures barrières.

Masque au coup, un jeune homme attend dans un bus de transport pour Kigali au Rwanda – Crédit Lebon Kasamira

Lors de mon dernier passage à Kigali au Rwanda, j’avais pris plaisir à photographier certaines rues de la capitale et sa gare routière de Nyabugogo dans la soirée, quelques jours après l’allègement de mesures des restrictions sanitaires. Comment les restrictions Covid-19 avaient-elles affecté les commerçants et commerçantes dans le pays de Kagame ? Je vous raconte.

En décembre 2021, le Rwanda enregistrait en moyenne plus de 1 000 cas de Covid-19 par jour. Pour contrôler la situation, le gouvernement s’est décidé à accentuer les restrictions, avec la fermeture des boîtes de nuit et discothèques, ainsi qu’un couvre-feu de 22 heures à 4 heures du matin à Kigali.

Vue du soir sur une rue de Gisozi, Kigali – Rwanda. Crédit Lebon Kasamira

Depuis le 15 décembre de la même année, certains sites mobiles vaccinaient à tour de bras jusqu’à 2 000 personnes par jour, notamment à Nyabugogo, la plus grande gare routière de Kigali. Les plus vulnérables, notamment les commerçants informels, ont été particulièrement touchés par les mesures de restrictions.

Kigali, capitale de la République du Rwanda. C’est ici que le premier cas au coronavirus dans le pays de mille collines a été détecté le 14 mars 2020, un ressortissant indien arrivé de Bombay le 8 mars 2020, testé positif au Covid-19 selon un communiqué du ministère de la santé au Rwanda. Depuis, le gouvernement a mis en place une stratégie d’atténuation, en adoptant notamment des mesures sanitaires.

Kigali a instauré le 20 mars 2020, des mesures de confinement pour une durée initiale de 2 semaines. Un confinement graduel est mis en place le 4 mai de la même année. Plusieurs mois après, de nouvelles mesures ont été mises en place en répondant à l’augmentation de cas. Le gouvernement de Kagame a renforcé les restrictions et pris des mesures comme le port obligatoire de masque, l’accélération de la vaccination en utilisant notamment des sites mobiles dans des lieux publics comme ici à Nyabugogo, la plus grande gare routière du pays.

Certaines gens munis de masques à la gare routière de Nyabugogo, Kigali au Rwanda – crédit Lebon Kasamira

Depuis le 30 décembre 2021, on y vaccinait à une cadence effrénée, plus de 2000 personnes par jour.

« Cette gare est un lieu idéal. Nous avons des gens qui viennent du travail et d’autres qui voyagent. Ils viennent et sont vaccinés très rapidement », partageait à TV5 Monde une directrice du centre de vaccination de Nyabugogo.

Car vacciner ne suffisait pas pour endiguer la pandémie, le gouvernement rwandais a mis en place plusieurs restrictions comme la fermeture de boîtes de nuit et discothèques, et un couvre-feu de 22 heures à 4 heures du matin.

Ce soir du 9 mai 2022, c’est le commandant Jean (non d’emprunt) qui supervisait les opérations de patrouille dans le secteur populaire de Gisozi, sur l’avenue du Mémorial du génocide, un centre de documentation et de recherche sur le génocide des Tutsi au Rwanda accessible aux chercheurs rwandais et internationaux. Chaque année, en avril, les commémorations nationales y sont tenues.

« Ici nous contrôlons les véhicules s’ils peuvent circuler après le couvre-feu. S’il se trouve que l’un des conducteurs n’est pas en règle, nous l’arrêtons, l’emmenons au stade où il passera la nuit, ensuite il paiera une amende », se confiait.

Vue du soir sur une rue de Gisozi, Kigali – Rwanda. Crédit Lebon Kasamira

Un couvre-feu qui avait des conséquences économiques désastreuses pour une population qui est déjà fragilisée par deux années de restrictions. Les plus vulnérables sont des commerçants informels, majoritairement des femmes comme Amina qui vend à la gare routière de Nyabugogo depuis 6 ans maintenant.

« Ce travail est mon seul moyen de gagner de l’argent. Depuis la mort de mon mari, je dois payer le loyer et la scolarité de mes deux enfants. L’alternative était de me prostituer, mais je préfère le faire même si c’est illégal et que j’ai toute la police à mes trousses. J’ai besoin d’argent pour m’occuper de mes enfants », expliquait Amina qui, gagne la plupart de son argent la nuit.

« Avant le coronavirus, je gagnais suffisamment pour m’occuper de mes enfants. Mais depuis, même mes clients n’ont plus d’argent […] », regrettait une commerçante à la gare de Nyabugogo – Crédit Lebon Kasamira

Connu comme l’un des pays les plus stricts en matière de restrictions Covid-19, les mesures avaient commencé à s’alléger au Rwanda en raison de la baisse des contaminations. La population du pays commençait à espérer un retour à la normale.

Après deux ans de restrictions, la gare routière de Nyabugogo, la plus grande de Kigali mouvementée. Des passagers en fil d’attente la nuit pour rentrer dans de gros bus par ici, vendeurs ambulants proposaient des articles par là. L’ambiance au rendez-vous.

Le Rwanda se classe toujours parmi les 20 pays les plus pauvres du monde en PIB par habitant, et 40% de sa population vit sous le seuil de pauvreté. À la rédaction de cet article, il y a 132 376 contaminations, 1 466 décès liés au coronavirus, 26 054 302 de doses de vaccin administrées et 10 488 764 personnes complètement vaccinées recensées dans le pays depuis le début de la pandémie.

Lebon Kasamira

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Auteur·e

sumulia

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